C’est un pari osé, et ils l’ont relevé. Après le diptyque flamboyant des Trois Mousquetaires, Matthieu Delaporte et Alexandre de La Patellière s’attaquent à un autre monstre sacré de Dumas : Le Comte de Monte-Cristo. Le résultat ? Une fresque de près de trois heures, tendue comme un arc, dense, élégante, et furieusement habitée.
Pas une redite. Pas un hommage plat. Mais une adaptation fiévreuse, sobrement ambitieuse, qui préfère l’intensité à l’esbroufe. Et ça fonctionne.
Une vengeance patiemment mijotée
Edmond Dantès, prisonnier puis stratège
-
Edmond Dantès est jeune, honnête, et prêt à tout pour sa fiancée. Mais trois hommes jaloux décident autrement. Résultat ? Quatorze ans au fond d’un cachot, dans l’humidité et l’oubli du château d’If. Jusqu’à cette rencontre providentielle avec l’abbé Faria, qui lui transmet deux choses : du savoir… et un secret de trésor.
Edmond s’évade. Il change de peau. Et revient, sous un nouveau nom. Celui qui glace le sang : Le Comte de Monte-Cristo. Fin prêt à faire tomber, un par un, ceux qui l’ont brisé.
Une adaptation épique… mais tout en retenue
Un choix risqué : un seul film, pas de diptyque
Contrairement aux Trois Mousquetaires, le producteur Dimitri Rassam n’a pas voulu découper Monte-Cristo en deux parties. Bonne idée ? Oui. Parce que ce récit ne suit qu’un seul homme, une seule trajectoire : celle d’un retour et d’une revanche. Étaler ça sur deux films aurait dilué l’impact. Ici, on reste concentré. Et tendu.
Moins de personnages, plus de cohérence
Les scénaristes ont coupé dans le texte. Certains personnages disparaissent, d’autres sont fusionnés. Et ce n’est pas un crime. Le roman est feuilletonesque, le film se veut plus resserré. Et ça marche. On suit un fil clair. Un engrenage. Une descente… ou une ascension, selon le point de vue.
-
LE COMTE DE MONTE-CRISTO - DVDGenre Drame Format Blu-ray et DVD Durée d’exécution 173 minutes9,99 €
Pierre Niney : un comte glaçant et fascinant
Un rôle à contre-emploi
On connaît Pierre Niney charmeur, maladroit, drôle. Ici, rien de tout ça. Il est fermé, dur, presque spectral. Dès sa sortie de prison, il ne sourit plus. Il agit. Calcule. Disparaît derrière un masque – littéralement et symboliquement. Et ne cherche jamais à être sympathique, ce qui rend son parcours encore plus fort.
Un jeu d’ombre et de lumière
Dès qu’il devient Monte-Cristo, la lumière se referme sur lui. Le directeur photo Nicolas Bolduc – déjà salué pour Milady– le filme dans des pénombres sculptées, entre clairs-obscurs et reflets glacés. Chaque plan semble pensé comme un tableau. On est entre Del Toro et Rembrandt. Visuellement, c’est somptueux.
L’art du détail : costumes, décors, atmosphères
Une direction artistique soignée
Même les critiques les plus réservées saluent ce point : le soin apporté aux décors, aux costumes, au maquillage est remarquable. Pas de surcharge. Pas de tape-à-l’œil. Juste une immersion crédible, qui colle au rythme plus intérieur du film.
Les couleurs ? Moins terreuses que dans D’Artagnan. Ici, on flirte avec des tons plus précieux : turquoise, ocre, bleu nuit. Une palette qui fait sens avec le mystère du personnage principal. C’est beau. C’est intelligent. Et ça change.
Un duel d’acteurs… et de morale
Laurent Lafitte : le méchant qui n’en fait jamais trop
Dans le rôle de Villefort, procureur ambitieux et sans scrupule, Laurent Lafitte évite la caricature. Il joue juste. Il joue froid. Et ça suffit. Résultat : un antagoniste crédible, presque humain par moments, et donc d’autant plus inquiétant.
Dantès vs Villefort : le combat le plus fin du film
Ce qui rend ce film passionnant, ce n’est pas seulement la vengeance en elle-même. C’est le doute qui s’insinue. Dantès devient-il meilleur que ses ennemis ? Ou bien pire ? En épurant le récit, les auteurs renforcent cette interrogation morale. Jusqu’à cette fin douce-amère, où la justice devient presque un poison. Et ça, c’est du Dumas pur jus.
Une fresque sobre mais puissante
Pas besoin de combats toutes les cinq minutes. Le Comte de Monte-Cristo (2024) choisit un autre tempo. Moins flamboyant, plus froid. Plus psychologique aussi. Une vengeance qui mûrit lentement, plan par plan, visage après visage.
Et si tu entres dans ce rythme-là, alors tu ne regardes pas juste un film… tu assistes à une chute lente et magnifique, portée par une mise en scène précise et des comédiens habités.