C’est un film qui n’a rien de classique. Hirune Hime – Rêves éveillés, sorti au Japon en 2017, nous entraîne dans une aventure douce-amère, entre rêve et réalité. Derrière ses airs de conte pour ados, il cache une complexité surprenante, pleine de symboles, de clins d’œil technologiques, et de douleurs familiales mal cicatrisées.
On t’embarque ? Ferme les yeux. Ou plutôt, ouvre-les en grand. Car dans ce film, c’est en rêvant qu’on voit plus clair.
Une adolescente, deux mondes
Kokone Morikawa a 17 ans. Elle vit seule avec son père, un mécanicien un peu bourru, dans une ville de la préfecture d’Okayama. Le quotidien semble ordinaire. Mais la nuit, Kokone rêve. Et ces rêves la propulsent dans un monde fantastique, où elle incarne une héroïne courageuse appelée Ancien.
Ce n’est pas un simple rêve passager. Il revient chaque nuit. Et quand la réalité s’effondre – l’arrestation brutale de son père, la découverte de secrets bien enfouis – Kokone comprend que ce monde parallèle est peut-être la clé. La clé pour comprendre son passé. Pour retrouver sa mère disparue. Pour affronter un avenir incertain.
Un scénario qui floute les frontières
Ce qui frappe d’abord, c’est le tissage fluide entre rêve et réalité. On saute d’un monde à l’autre sans avertissement. Et pourtant, tout reste cohérent. Le monde onirique n’est pas un refuge : c’est une extension poétique de la vraie vie.
La technologie y est reine. Les voitures volent. Les robots protègent. Les souvenirs se codent. Tout est lié. Et c’est là que le film se révèle plus ambitieux qu’il n’y paraît.
Il ne s’agit pas juste d’un conte initiatique. Hirune Hime parle de mémoire. De transmission. De la manière dont les enfants héritent – parfois malgré eux – des douleurs, des silences et des rêves de leurs parents.
Une animation soignée, des décors somptueux
Visuellement, le film est un petit bijou. On reconnaît la patte de Kenji Kamiyama, qui signe ici un récit original après avoir travaillé sur des sagas emblématiques de l’animation japonaise.
Les décors du monde réel sont doux, baignés de lumière naturelle. Les scènes de rêve, elles, explosent de couleurs, de structures fantastiques et de machines improbables. Chaque plan est pensé comme une peinture. Même dans l’action, il y a une sorte de grâce.
Une bande-son subtile, émotive
La musique accompagne à merveille les émotions. Elle ne cherche pas à impressionner, mais à suivre les pas hésitants de Kokone. Une guitare, un piano, des sons électroniques légers. La composition évoque à la fois la mélancolie de l’enfance perdue et l’élan vers l’avenir.
Rien n’est superflu. Tout sert l’histoire. L’ambiance sonore colle parfaitement aux hésitations, aux courses poursuites, aux moments suspendus. On ne l’entend pas toujours. Mais on la ressent.
Une héroïne atypique et attachante
Kokone n’est pas une guerrière. Elle ne possède pas de pouvoir magique. Mais elle a cette force tranquille des jeunes qui doivent grandir trop vite. Elle doute, trébuche, mais elle avance.
Son rêve récurrent, loin d’être un simple fantasme, devient un espace de compréhension. Elle y retrouve des bribes de souvenirs. Des messages cachés. Des versions fantasmées de ses parents. Et peu à peu, le puzzle se construit.
Un film sur les liens familiaux
C’est sans doute le cœur du film. Hirune Hime est une histoire de famille. D’héritage émotionnel. D’un père taiseux qui cache ses blessures. D’une mère disparue dont le passé remonte à la surface.
Kokone ne cherche pas seulement à sauver son père. Elle cherche à comprendre qui elle est. À relier les fils. À faire la paix avec une histoire qu’on ne lui a jamais racontée en entier.
Et ce qu’elle découvre dans ses rêves, ce sont les non-dits. Les espoirs. Les peurs. Ce qu’on ne dit pas aux enfants, mais qu’ils ressentent malgré tout.
Une critique douce de la société japonaise
En filigrane, le film dresse un portrait critique de la société japonaise contemporaine. On y parle de la place des femmes dans la technologie. De la pression du travail. Du contrôle des entreprises. De l’impuissance face aux institutions.
Mais tout est suggéré avec pudeur. Le rêve devient un terrain de résistance. D’expression. D’émancipation.
Et Kokone, en affrontant les créatures de son subconscient, affronte aussi l’ordre établi. Celui qui a effacé sa mère. Celui qui veut faire taire son père. Celui qui ne laisse pas la place aux souvenirs.
Des thématiques universelles
Même si le film est profondément ancré dans la culture japonaise, il parle à tout le monde. Parce que nous avons tous rêvé. Parce que nous avons tous eu 17 ans, un jour. Parce que nous avons tous des silences familiaux, des blessures floues, des souvenirs que notre mémoire réinvente.
Hirune Hime nous invite à accueillir ces rêves comme des éclats de vérité. Pas pour fuir le monde. Mais pour le comprendre autrement.
Un rythme parfois déséquilibré, mais une sincérité intacte
Soyons honnête : le film n’est pas parfait. Le rythme, notamment dans le dernier tiers, peut paraître confus. Certains spectateurs peuvent se sentir perdus entre les allers-retours rêve/réalité. On aurait parfois aimé plus de clarté, plus de structure.
Mais cette imperfection fait aussi sa beauté. Hirune Hime n’essaie pas de plaire à tout prix. Il cherche à dire quelque chose de vrai. D’intime. Il préfère le trouble à la leçon. La sensation à l’explication.
Et c’est ce qui fait qu’on s’y attache.
Un film à voir… et à revoir
Ce n’est pas un film à consommer. C’est un film à vivre. À ressentir. À laisser infuser.
On le regarde une première fois pour l’histoire. Une deuxième fois pour les détails. Une troisième fois pour ce qu’il dit de nous. Parce qu’au fond, ces rêves étranges, ce sont peut-être un peu les nôtres aussi.
Public : qui devrait voir ce film ?
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Les ados en quête de sens.
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Les adultes qui se souviennent encore de leurs rêves d’enfance.
 - 
Les amateurs d’animation poétique, à la croisée du réel et du fantastique.
 - 
Ceux qui aiment les récits de transmission et les secrets de famille.
 
Conclusion ? Il n’y en a pas vraiment
Comme dans un rêve, le film ne donne pas toutes les réponses. Il laisse des zones d’ombre. Il offre des pistes. Il suggère plus qu’il n’assène.
Mais une chose est sûre : on ne sort pas de Hirune Hime tout à fait comme on y est entré. On en ressort avec cette impression douce que les rêves ont quelque chose à nous dire. À condition de bien vouloir les écouter.


	