l y a des suites qu’on redoute, et d’autres qu’on est presque curieux de voir rater. Be Cool, sorti en salles le 3 février 2005, coche un peu les deux cases. Suite de Get Shorty, il ramène sur le devant de la scène un personnage culte – Chili Palmer, gangster reconverti en producteur – mais le propulse cette fois dans un nouveau cirque : l’industrie musicale.
Exit les plateaux de cinéma, bonjour les studios d’enregistrement, les managers fluo et les rappeurs en ego-trip. Sur le papier, l’idée est délicieusement cynique : si Chili pouvait survivre à Hollywood, il devrait logiquement s’amuser dans le business du disque, où les contrats se signent parfois… avec un flingue sur la table.
Reste une question : est-ce que le film arrive à être aussi cool que son titre le promet ?
Chili Palmer version showbiz : même calme, nouveau terrain de chasse
On retrouve Chili là où on l’avait laissé : blasé, affûté, toujours en costard, toujours capable de lire une pièce en trois secondes. Il a fait ses preuves dans le cinéma, a vu trop de suites inutiles… et comme par ironie, c’est justement dans une suite qu’on le retrouve.
Très vite, il est happé ailleurs :
une rencontre avec un ami producteur de musique, un meurtre, et le voilà plongé au cœur d’un milieu qui ressemble beaucoup au sien… mais en plus bruyant.
Son obsession du moment : faire exploser la carrière d’une jeune chanteuse talentueuse repérée presque par hasard. Et là, on bascule dans la promesse du film : suivre un ancien gangster qui décide de fabriquer une star, en appliquant ses vieilles méthodes à un nouveau secteur. Même sang-froid, même sens de la manipulation, même art de négocier avec tout le monde – des mafieux russes aux producteurs rap.
Le pitch : lancer une star au milieu des balles et des contrats
Un synopsis simple, une mécanique volontairement excessive
L’intrigue, en soi, est assez directe :
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Chili en a marre d’Hollywood et de ses franchises à rallonge.
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Un vieil ami producteur de musique se fait descendre sous ses yeux.
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Il décide de reprendre le flambeau et de s’occuper d’une chanteuse prometteuse.
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Problème : la demoiselle n’est pas seule au menu. Autour d’elle gravitent déjà un manager véreux, des producteurs hip-hop plus poseurs que puissants, et divers intermédiaires pas forcément ravis de voir Chili débarquer.
Dans ce nouveau monde, tout tourne autour :
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de la recherche du “hit” parfait,
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de contrats signés dans des bureaux léchés ou des parkings glauques,
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d’égo XXL à ménager ou à casser.
Chili ne change pas sa méthode :
il observe, repère les failles, pousse doucement les bonnes personnes dans la bonne direction… même si cela signifie marcher sur les pieds de la mafia russe, gérer un garde du corps un peu idiot mais très violent, et laisser derrière lui une petite traînée de cadavres qui commence à faire tiquer la police.
Le film navigue en permanence entre ambition artistique (fabriquer une star) et règlements de comptes, comme si monter dans les charts et survivre à la pègre relevaient finalement de la même logique.
Chili Palmer : l’anti-héros qui reste imperturbable au milieu du chaos
Le plus gros atout du film, c’est lui : Chili Palmer.
Toujours ce même personnage :
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élégant,
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imperturbable,
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parfaitement conscient de sa valeur,
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qui résout les problèmes non pas par la force brute, mais par une intelligence très “street-smart”.
Sa technique ne change jamais vraiment :
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il écoute plus qu’il ne parle,
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il anticipe ce que veulent ses interlocuteurs,
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il tire les ficelles sans lever la voix,
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et surtout, il reste cool, quoi qu’il se passe.
Qu’il soit en train de négocier un contrat de disque avec un producteur de rap ou d’apaiser un mafieux russe qui menace de tout faire exploser, Chili garde ce flegme qui faisait tout le sel de Get Shorty. Il est le point fixe, le centre de gravité tranquille au milieu d’une galerie de personnages qui, eux, n’arrêtent pas de s’agiter.
Un bestiaire complètement barré : managers toxiques, rappeurs dépassés et mafieux de pacotille
Là où Be Cool se lâche franchement, c’est sur ses second rôles. Le film empile les caricatures, mais les assume à fond.
On croise notamment :
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un manager de musique aux tenues outrancières et au comportement encore plus tapageur que ses vestes,
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un garde du corps homosexuel, brutal mais touchant, qui rêve de devenir acteur et parle de carrière entre deux intimidations,
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un producteur de hip-hop qui se donne une image de caïd, mais qui finit systématiquement dépassé par les événements,
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des gangsters russes plus empotés que dangereux, qui servent de running gag tout autant que de menace.
Chacun est un archétype à peine exagéré, mais suffisamment écrit pour dépasser le simple gimmick. Ce sont eux qui donnent au film sa couleur de comédie baroque : on oscille en permanence entre le film de gangsters, la satire musicale et le cartoon live.
Entre showbiz et criminalité : la satire en filigrane
Derrière les gags et les punchlines, Be Cool a quelque chose en tête : montrer que le showbiz et le crime organisépartagent plus de points communs qu’on ne voudrait l’admettre.
Une industrie musicale déshabillée sans ménagement
En passant du cinéma à la musique, la saga change de terrain pour mieux conserver sa colonne vertébrale satirique. Le film se moque joyeusement :
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des artistes préfabriqués,
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des producteurs mégalos obsédés par leur image,
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des managers qui gèrent plus les apparences que le talent,
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de cette course au “tube” qui écrase la sincérité artistique au profit du marketing.
La trajectoire de la jeune chanteuse que Chili prend sous son aile devient une sorte de fil rouge : elle incarne la quête d’authenticité dans un milieu qui ne jure que par le packaging.
Gangsters ridicules, star system impitoyable
Côté polar, le film s’amuse avec les codes :
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les mafieux sont souvent ridicules,
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les menaces basculent souvent dans l’absurde,
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la violence reste présente, mais abordée avec un ton décalé qui désamorce la gravité.
Le vrai pouvoir, ici, ne se joue pas seulement dans les armes, mais dans le storytelling : celui qui raconte la meilleure histoire, vend la meilleure image, manipule le mieux les symboles… gagne.
Que l’on signe un contrat de disque ou qu’on négocie une dette avec la mafia, la logique reste la même : vendre quelque chose.
Un casting qui s’amuse… et ça se voit à l’écran
Comédie satirique + film de gangsters = film d’acteurs. Et là-dessus, Be Cool est bien servi.
Le duo central : charisme tranquille et fraîcheur
Le comédien qui reprend le rôle de Chili Palmer le fait avec une facilité déconcertante :
on sent le costume taillé sur mesure. Son jeu tout en retenue, dans un univers où tout le monde surjoue, crée un contraste délicieux.
Face à lui, l’actrice qui incarne la jeune chanteuse ajoute une vraie touche de sincérité. Elle joue cette artiste talentueuse mais pas encore blindée, perdue dans un milieu où tout le monde veut quelque chose d’elle. Leur dynamique mentor/protégée fonctionne, apportant un minimum d’émotion dans ce barnum très ironique.
Second rôles : le vrai feu d’artifice
Là où le film s’éclate, c’est sur les seconds rôles :
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le garde du corps gay, massif, violent mais vulnérable, qui vole presque chaque scène où il apparaît,
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le manager délirant, qui transforme chaque apparition en festival d’excès,
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le producteur de rap qui croit comprendre le game… jusqu’au moment où tout lui échappe.
Ils apportent chacun une énergie différente, souvent en roue libre, mais toujours au service de cette ambiance mi-thriller mi-comédie burlesque.
Réception et héritage : pas un chef-d’œuvre, mais un film qui a marqué son époque
À sa sortie, Be Cool ne fait pas l’unanimité, loin de là. La critique est partagée :
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d’un côté, ceux qui saluent les dialogues, l’humour noir, le casting XXL, l’atmosphère “cool” et le plaisir évident que prennent les acteurs,
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de l’autre, ceux qui pointent un scénario parfois confus, une tendance à accumuler les scènes plutôt qu’à construire une vraie colonne vertébrale, et une comparaison défavorable avec le premier film.
Côté chiffres, le verdict est plus pragmatique :
avec un budget estimé autour de 53 millions de dollars et plus de 95 millions de dollars au box-office mondial, le film s’en sort honnêtement, sans être un raz-de-marée non plus.
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Ce qui est resté, au fil des années :
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quelques scènes devenues cultes (une danse inattendue, des monologues d’aspirant acteur, des joutes verbales savoureuses),
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une manière assez singulière de mixer polar, comédie et satire du showbiz,
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un ton “cool et détaché” que d’autres comédies policières reprendront ensuite, plus ou moins consciemment.
Alors, on regarde Be Cool aujourd’hui ?
Si tu cherches un film parfaitement construit, tendu comme un arc, avec un scénario sans couture… ce n’est pas ici que tu le trouveras.
Be Cool, c’est autre chose :
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un jeu de massacre satirique sur l’industrie musicale,
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une galerie de personnages complètement frappés,
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un héros aussi imperturbable qu’un rocher au milieu d’un tsunami d’ego,
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et une réalisation qui mise plus sur le ton, les dialogues et les situations absurdes que sur une intrigue millimétrée.
Ce n’est pas un classique intouchable, mais c’est une comédie policière stylée, un peu bordélique, souvent drôle, qui garde ce charme typique des années 2000 : assez cynique pour faire mal, assez ludique pour qu’on y revienne. Et tant que Chili Palmer reste là, au centre, à tirer les ficelles sans se départir de son calme, on comprend une chose : dans ce monde, celui qui gagne n’est pas forcément le plus fort… mais celui qui reste, quoi qu’il arrive, vraiment cool.

