Au cœur du Vatican, les portes de la chapelle Sixtine se referment. Cent vingt cardinaux s’apprêtent à élire le successeur du souverain pontife récemment décédé. Ce huis clos, empreint de spiritualité et de tradition, se transforme rapidement en un théâtre d’ambitions et de révélations. Le film Conclave plonge le spectateur dans les arcanes d’un pouvoir millénaire, où la foi se heurte aux manœuvres politiques et où les secrets les mieux gardés menacent de faire vaciller l’une des plus anciennes institutions du monde. Chaque vote devient un enjeu, chaque candidat un mystère, et le choix final promet de redéfinir l’avenir de l’Église catholique.
Le déroulement du conclave : un aperçu initial
Les candidats en lice
Dès les premiers instants, le jeu des influences se met en place. Plusieurs factions émergent, chacune soutenant un candidat incarnant une vision distincte pour l’Église. Le camp traditionaliste pousse un cardinal italien, garant d’une ligne conservatrice et dogmatique. Face à lui, les progressistes soutiennent un archevêque africain, perçu comme un réformateur capable d’ouvrir l’institution aux défis du monde moderne. Un troisième homme, un cardinal canadien, joue la carte du compromis et de la diplomatie, espérant rassembler les modérés. Ces favoris, ou papabili, concentrent toute l’attention, et les premières tractations s’engagent dans les couloirs feutrés du Vatican.
La chute des favoris
Cependant, le processus électoral est rapidement perturbé par une série de scandales qui éclatent au grand jour. Le vernis de piété craque pour révéler des vérités dérangeantes. Un cardinal est rattrapé par des accusations de corruption financière, un autre par un passé trouble qui refait surface. Chaque révélation élimine un prétendant, purgeant le conclave de ses éléments les plus politiquement souillés. Ce mécanisme de purification forcée désoriente les électeurs et redistribue complètement les cartes. Les stratégies initiales s’effondrent, et les cardinaux, privés de leurs champions, se retrouvent face à un vide. Ils doivent chercher une alternative, un candidat qui n’était pas sous les feux des projecteurs, un homme dont la probité semble incontestable.
Alors que les figures les plus puissantes et les plus attendues sont écartées les unes après les autres, le regard des cardinaux se tourne vers des personnalités plus discrètes, menant à une issue que personne n’aurait pu anticiper.
L’étonnante élection du cardinal Benitez
Un choix guidé par la pureté
Dans ce climat de méfiance et de désillusion, le nom du cardinal Benitez commence à circuler. Connu pour sa profonde humilité, sa bonté et son dévouement sincère aux plus démunis, il n’a jamais été considéré comme un acteur politique. Il est l’antithèse des candidats consumés par l’ambition. Son absence de stratégie personnelle devient son plus grand atout. Les cardinaux, cherchant à restaurer la crédibilité de l’Église, voient en lui un retour aux sources, une incarnation des valeurs évangéliques fondamentales. Son élection n’est pas le fruit d’une manœuvre politique, mais d’un besoin collectif de pureté et d’intégrité.
Le consensus inattendu
Les tours de scrutin s’enchaînent et, progressivement, les voix convergent vers ce candidat providentiel. Les divisions idéologiques s’estompent face à l’évidence de sa stature morale. L’élection de Benitez est perçue par beaucoup comme une intervention divine, un signe que l’Esprit Saint a guidé leur choix au-delà des calculs humains. La fumée blanche qui s’échappe de la cheminée de la chapelle Sixtine annonce au monde non seulement un nouveau pape, mais aussi la promesse d’un renouveau spirituel. La foule sur la place Saint-Pierre acclame un homme dont le visage exprime plus la charge qui lui incombe que le triomphe du pouvoir. Habemus Papam : un pape qui, espèrent-ils, saura panser les plaies de l’institution.
L’élection de cet homme, symbole de vertu, semble clore un chapitre tumultueux. Pourtant, un secret qu’il porte en lui depuis sa naissance s’apprête à remettre en question les certitudes les plus ancrées de l’Église.
Le secret de Benitez : un choix significatif
La révélation d’une condition unique
Le point de bascule du récit survient après l’élection, lorsque le secret du nouveau pape est dévoilé : le cardinal Benitez est intersexué. Cette condition biologique, où une personne naît avec des caractéristiques sexuelles qui ne correspondent pas aux définitions binaires types des corps masculins ou féminins, constitue un véritable séisme théologique et institutionnel. Ce n’est pas un scandale moral, mais une réalité biologique qui défie des siècles de doctrine sur la nature de l’homme et de la femme, et par extension, sur les conditions d’accès au sacerdoce. La révélation n’est pas présentée comme une tromperie, mais comme une part de son être, une complexité que l’institution n’avait jamais envisagée.
Le poids symbolique du twist
Le choix scénaristique de cette particularité est lourd de sens. Le réalisateur utilise cette révélation non pas pour le choc, mais pour sa portée symbolique. Le nouveau pape incarne littéralement une union au-delà de la binarité de genre. Il devient un pont vivant entre le masculin et le féminin, dans une institution historiquement et structurellement patriarcale. Sa condition remet en question la rigidité des dogmes et ouvre une porte vers une compréhension plus nuancée et inclusive de l’humanité. Sa pureté, tant vantée durant le conclave, n’est pas annulée par ce secret ; elle est au contraire magnifiée, car elle transcende les catégories humaines et force à une réflexion plus profonde sur ce que signifie être créé à l’image de Dieu.
Implications théologiques de la révélation
| Domaine concerné | Question soulevée | Impact potentiel |
|---|---|---|
| Sacerdoce | Un homme intersexué est-il éligible à la prêtrise ? | Remise en cause de la vision strictement masculine du clergé. |
| Anthropologie chrétienne | Comment définir l’homme et la femme ? | Invitation à une théologie du corps plus inclusive. |
| Droit canon | Les lois de l’Église sont-elles adaptées à cette réalité ? | Nécessité de réformer certains aspects du droit ecclésiastique. |
Ce secret, loin d’être un obstacle, se transforme en un puissant vecteur de changement, provoquant une onde de choc qui fissure les fondations mêmes de l’institution.
Impact sur l’institution : une fissure au sommet
Un défi lancé au patriarcat
L’élection d’un pape intersexué représente une attaque frontale, bien que non intentionnelle, contre le système patriarcal qui régit l’Église depuis deux millénaires. La prêtrise, et à plus forte raison la papauté, est exclusivement réservée aux hommes. La condition de Benitez brouille cette ligne de démarcation et force l’institution à se confronter à ses propres contradictions. La légitimité du nouveau pape pourrait être contestée par les factions les plus conservatrices, qui verraient en lui une anomalie inacceptable. Cette situation crée une fissure profonde au sommet de la hiérarchie, un conflit idéologique majeur qui menace l’unité de l’Église. C’est une crise sans précédent qui ne peut être résolue par de simples décrets.
Vers une nouvelle ère de débats
Cette situation inédite a le potentiel de déclencher une vague de débats théologiques qui étaient jusqu’alors restés marginaux. Plusieurs questions deviennent centrales :
- La nature de l’identité de genre au regard de la foi.
- La place des personnes intersexuées et transgenres au sein de la communauté des croyants.
- L’ordination des femmes, une question qui trouve un écho nouveau et puissant dans ce contexte.
Le nouveau pape devient malgré lui le symbole d’une modernité qui frappe à la porte du Vatican. Son existence même oblige à une introspection collective et pourrait, à terme, conduire à une évolution doctrinale majeure, marquant le début d’une Église plus en phase avec les complexités du monde contemporain.
Cette crise institutionnelle se double d’une crise personnelle pour les personnages qui l’entourent, en particulier pour celui qui a supervisé le conclave et qui voit sa propre foi mise à l’épreuve.
Lawrence : une crise de foi dévoilée
Le poids du doute
Le personnage du cardinal Lawrence, doyen du Collège des cardinaux, est le témoin privilégié des événements. Tout au long du conclave, il est confronté à la corruption, aux mensonges et aux luttes de pouvoir qui gangrènent l’institution qu’il a servie toute sa vie. Son cynisme grandit à mesure que les scandales éclatent, et sa foi vacille. Il en vient à douter de la présence du divin dans un processus si manifestement humain, voire trivial. Il incarne la fatigue et la désillusion d’une partie du clergé face aux échecs répétés de l’Église à se réformer.
Une foi renouvelée par l’inattendu
L’élection de Benitez, puis la révélation de son secret, agissent sur Lawrence comme un électrochoc. Là où d’autres pourraient voir un désastre ou une hérésie, il perçoit un message divin d’une clarté fulgurante. Pour lui, ce choix improbable est la preuve que Dieu agit de manière mystérieuse, en dehors des cadres humains. L’élection n’est pas une erreur, mais une intervention destinée à briser l’orgueil et les certitudes de l’institution. Son acceptation de la situation marque la résolution de sa propre crise. Il retrouve une foi plus profonde, non pas dans l’institution des hommes, mais dans le projet divin qu’elle est censée servir. Son parcours illustre la thématique centrale du film : c’est au cœur de la plus grande crise que peut naître le plus grand espoir.
La transformation personnelle de ce cardinal reflète la possibilité d’une transformation plus large pour l’ensemble de l’Église, ouvrant la voie à une vision d’avenir radicalement différente.
Une vision d’avenir : vers une Église transformée
La critique et l’espoir
Le film dresse un portrait sans concession des maux de l’Église contemporaine : son opacité, sa résistance au changement et ses conflits internes. Cependant, le récit ne se complaît pas dans la critique. Il propose une voie de sortie, une vision d’espoir. L’élection de Benitez n’est pas une fin en soi, mais le début d’un chemin de transformation. Le message est clair : l’institution peut survivre et retrouver sa pertinence si elle accepte de se remettre en question, même dans ses fondements les plus sacrés. Le réalisateur choisit une fin ouverte et optimiste, suggérant que le changement est possible.
Le retour à l’essentiel
Finalement, l’élection de ce pape atypique symbolise un retour aux valeurs fondamentales du christianisme : l’amour, le partage, l’égalité et l’accueil de l’autre dans sa différence. La figure papale est dépouillée de son aura de pouvoir politique pour retrouver une dimension purement spirituelle. Le film suggère qu’en embrassant ce qui est perçu comme une faiblesse ou une anomalie, l’Église peut redécouvrir sa véritable force. C’est une invitation à construire une communauté plus humble, plus humaine et, paradoxalement, plus divine. Le futur de cette Église transformée reste à écrire, mais les bases d’un renouveau sont posées.
Le film explore ainsi les tensions d’un conclave pour aboutir à une conclusion audacieuse. L’élection d’un pape intersexué n’est pas qu’un simple rebondissement scénaristique ; c’est une puissante métaphore du changement nécessaire au sein de l’Église. En confrontant une institution millénaire à une réalité qui défie ses catégories, le récit transforme une crise de succession en une promesse de refondation, où la foi est renouvelée non pas malgré les failles humaines, mais grâce à elles.

