Avec Ballerina, la saga John Wick tente une nouvelle pirouette. Plus précisément, un spin-off qui mise sur Ana de Armas dans le rôle d’une orpheline devenue tueuse, en quête de vengeance. Le tout, chorégraphié avec soin par Len Wiseman, et situé quelque part entre les chapitres 3 et 4 de la franchise.
Le programme ? Des pirouettes sanglantes, un entraînement façon Black Swan chez les Ruska Roma, et des armes improvisées dans des coins aussi chics que dangereux.
Le pitch : vengeance et chaussons ensanglantés
Eve Macarro (Ana de Armas) a vu son père assassiné. Élevée chez les Ruska Roma, un clan mi-ballet, mi-mafia, elle s’entraîne aux pliés le jour, et aux combats à mort la nuit. Une discipline stricte, une rage intacte, et des pieds en sang.
L’intrigue, taillée dans une allumette par Shay Hatton, reste simple : une quête de vengeance classique, pimentée par des secrets de famille, quelques apparitions-clés (Keanu Reeves, Ian McShane, Anjelica Huston…), et une descente dans l’antre d’un clan rival, armée de talons aiguisés.
L’action : là, c’est du sérieux
Ici, on ne plaisante pas avec les chorégraphies. Que ce soit dans un restaurant transformé en scène de carnage ou dans un village autrichien rayé de la carte, Ballerina déroule un ballet d’assassinats visuellement spectaculaire. Mention spéciale au lance-flammes manié comme un accessoire de spectacle, et aux patins à glace utilisés comme armes de poing.
Une scène notable, commentée par le réalisateur dans une capsule “anatomie d’une scène”, montre à quel point chaque geste est millimétré – dans un espace réduit, avec un humour noir qui rappelle Tarantino.
Ana de Armas : grâce mortelle ou personnage sous-écrit ?
Physiquement, Ana de Armas impressionne. Elle est crédible, féroce, élégante. Mais… est-elle vraiment “là” ? Elle semble parfois passer à côté du second degré potentiel de son personnage. Comme si elle ne réalisait pas qu’elle incarne une ballerine tueuse dans un univers stylisé. Le film aurait pu jouer davantage sur cette ambivalence.
Heureusement, les seconds rôles apportent du relief :
- Ian McShane, toujours impeccable en mentor mystérieux
- Anjelica Huston, terrifiante en cheffe de ballet-mafia
- Et Gabriel Byrne, qui cache bien des secrets
Le caméo de Keanu Reeves ? Discret, presque fantomatique, mais suffisant pour rappeler que c’est encore son univers.
Un film visuellement léché… mais froid
Les décors, l’esthétique, les lumières rouges, les costumes noirs ajustés : tout est sublime, jusqu’au kitsch. Mais le film manque de chaleur, d’humour assumé, de second degré.
Même les moments censés toucher (comme l’apparition posthume de Lance Reddick) sont engloutis dans le tumulte. La mise en scène est efficace, mais laisse peu de place aux émotions vraies. Tout semble réglé au millimètre, sans surprise ni tendresse.
Une mythologie toujours plus dense (et un peu trop sérieuse)
Avec Ballerina, la franchise élargit encore son monde codifié : règles, clans, contrats, hôtels de tueurs, liens familiaux… Mais à force de vouloir tout connecter, le récit perd en fraîcheur. Là où John Wick charmait par son mélange de sérieux et d’absurde, Ballerina se prend parfois trop au sérieux.
Même Norman Reedus, pourtant loufoque dans son rôle de fugitif bourru, semble parachuté dans un film qui n’a pas envie de rire.
Une violence chorégraphiée, mais une émotion absente
Le résultat ? Une œuvre visuellement spectaculaire, techniquement impressionnante, mais narrativement creuse. La violence devient presque abstraite, désensibilisée. Le sous-texte sur le trafic et la manipulation de jeunes filles ajoute une note sombre et mal exploitée.
Le film reste fidèle aux codes de la saga, mais il lui manque la flamme Wick : ce mélange de rage brute, de mystère, et de poésie absurde. Keanu le rappelle en une scène : ce monde est le sien, les autres ne font que passer.