Il y a des sagas qui meurent à petit feu. Et puis il y a Saw, cette créature étrange qui refuse de rester au sol : un coup elle se relève grâce à la nostalgie, un coup grâce à un “entre-deux” de timeline, un coup grâce à une suite qui surgit de nulle part en jurant que si, si, cette fois, on a retrouvé l’esprit d’origine.
Sauf qu’en 2025, l’histoire a pris un virage plus croustillant que prévu : Saw 11 est annulé, les droits bougent, les producteurs se chamaillent, et la franchise se retrouve officiellement entre les mains de James Wan, le réalisateur du tout premier film. Et lui, après avoir construit une carrière de patron d’Hollywood, annonce l’intention la plus dangereuse qu’on puisse prononcer devant des fans : “apporter de la nouveauté”.
Sur le papier, c’est excitant. En pratique, c’est un champ de mines.
Retour à la naissance : quand Saw a braqué le box-office
Avant d’être une usine à twists, une marionnette en tricycle et une chronologie faite de flashbacks sur flashbacks, Saw a été un hold-up.
Un micro-budget, un concept, et une gifle au système
Début des années 2000 : James Wan (réal) et Leigh Whannell (scénario) débarquent avec un huis clos sec, brutal, malin. Budget minuscule, dispositif simple, efficacité maximale. Et surtout : une idée de mise en scène qui comprend un truc essentiel de l’horreur moderne — le spectateur veut participer, recomposer le puzzle, sentir qu’on le manipule mais avec style.
Résultat : succès massif, retour sur investissement déraisonnable, et un nouveau duo propulsé dans la cour des gens à suivre.
Après le coup d’éclat : des trajectoires qui s’écartent
Whannell reste impliqué au scénario sur Saw 2 et Saw 3. Wan, lui, s’éloigne de la réalisation de la saga et garde surtout un crédit de producteur. Et pendant que la franchise part en mode feuilleton gore annuel, Wan, lui, devient l’un des artisans majeurs de l’horreur grand public (puis du blockbuster) : Conjuring, Insidious, Fast & Furious 7, Aquaman… la totale.
Ce qui rend la situation actuelle savoureuse, c’est ça : Saw a grandi sans son “père réalisateur”. Et maintenant, il revient non pas comme un nostalgique, mais comme un mec qui a dirigé des franchises à très gros enjeux.
Saw 11 annulé : le genre de chaos qui sent la franchise en crise
Une saga, ça vit de cycles. Mais chez Saw, on a parfois l’impression que ça vit surtout de contorsions.
Saw X avait relancé la machine… puis tout s’est enrayé
Le succès de Saw X en 2023 a logiquement déclenché la mise en chantier d’un onzième film, annoncé comme une suite directe. Classique : “ça marche ? on continue.” Sauf qu’entre le désir du studio et la réalité des deals, il y a toujours un gouffre.
Et là, ce n’est pas juste un retard de planning : on parle d’un conflit interne impliquant les producteurs historiques de Twisted Pictures et Lionsgate, qui aurait retardé puis carrément fait annuler le film.
La franchise qui se heurte à ses propres coulisses
Ce qui est ironique, c’est que Saw est une saga sur le contrôle, les pièges, les plans à tiroirs… et que dans les coulisses, ça ressemble parfois à la même chose, mais sans le talent du montage.
Quand un volet est annulé après avoir été envisagé comme une suite directe, ça dit généralement deux choses :
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soit la franchise n’a plus de direction claire (et ça panique),
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soit il y a une bataille de pouvoir/argent (et ça panique aussi, mais différemment).
Dans les deux cas, ça crée un vide. Et un vide, dans une franchise, c’est une opportunité : quelqu’un peut venir imposer une vision.
Blumhouse, Lionsgate, Atomic Monster : le puzzle industriel qui replace Wan au centre
C’est là que l’histoire devient très “Hollywood 2020s” : rachats, fusions, partenariats, entités qui se superposent.
Blumhouse entre dans la danse
En juin 2025, Blumhouse rachète une partie des droits de la franchise, en partenariat avec Lionsgate. Blumhouse, c’est l’usine à concepts rentable, le studio qui sait faire de l’horreur “efficace” et qui comprend la valeur des marques.
Et là, twist presque trop parfait : Blumhouse a fusionné en 2024 avec Atomic Monster, la boîte de… James Wan.
Traduction : Wan n’est plus seulement “le mec qui a réalisé le premier”. Il est maintenant structurellement en position d’influence sur l’avenir de la saga.
Le retour du créateur… mais avec les armes d’un producteur-roi
Ce n’est pas le Wan de 2004 qui revient avec une caméra et une idée de fin choc. C’est le Wan qui a appris à piloter des univers, à gérer des attentes de fans, à construire des “marques” qui durent.
Et ça change la promesse : on n’est pas seulement dans le “retour aux sources”. On est dans “comment on relance proprement un monstre fatigué”.
James Wan parle (prudemment) : “respecter les fans” + “trouver un nouveau départ”
Quand Wan s’exprime, il est évidemment sur un fil. Il ne veut vexer personne, ni enterrer ce qui a été fait après lui, ni promettre un truc qu’il ne peut pas garantir.
Une déclaration très polie… mais pas si innocente
Dans son échange avec ScreenRant (pendant la promo d’un Conjuring qu’il produit), Wan explique en gros :
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il est excité parce qu’il n’a plus été très impliqué depuis le début,
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il voit ça comme un défi : revenir au film qui a lancé sa carrière,
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il veut respecter ce que les fans aiment,
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tout en essayant de trouver un nouveau public,
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et il insiste sur l’idée d’un “nouveau départ, à un certain niveau”, sans trahir le monde créé.
C’est la phrase la plus importante : nouveau départ.
Parce que dans une franchise de 20 ans, “nouveau départ” peut vouloir dire plein de choses… et certaines font peur.
La “nouveauté” dans Saw : bonne idée ou mot qui déclenche des sueurs froides ?
Soyons honnêtes : Saw a déjà essayé “la nouveauté” plusieurs fois. Le problème n’est pas d’essayer. Le problème, c’est ce qu’on sacrifie au passage.
Ce que les fans “aiment” vraiment dans Saw
Avant de parler reboot, il faut être clair sur le cœur du truc. Saw, ce n’est pas uniquement des pièges. C’est un cocktail :
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une mécanique de thriller (enquête, faux-semblants),
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une dimension “puzzle” (timeline, révélations),
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une ambiance sale, urbaine, froide,
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une mythologie (Jigsaw, disciples, héritage),
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et oui : des pièges qui sont devenus une signature.
Le piège (sans jeu de mot) pour Wan, c’est de croire que l’essence de Saw se résume à “inventer de nouveaux traps”. Si tu fais ça, tu fais du Saw en surface. Et c’est exactement le genre de fatigue que la saga traîne depuis longtemps.
Le problème central : la chronologie est devenue une prison
Saw est coincé dans son propre cadavre : Jigsaw est mort, mais la saga continue d’exister en évitant soigneusement cette réalité, en se glissant entre les films, en révélant des disciples, des plans, des archives, des “en fait il avait prévu ça”.
Ça a donné quelques trucs amusants, mais ça a aussi donné un sentiment persistant : la franchise avance en crabe.
Donc quand Wan parle de “nouveau départ”, il y a une question simple :
Est-ce qu’il veut libérer la saga de cette prison… ou juste la réorganiser ?
Reboot ? Soft reboot ? Nouvelle timeline ? Les options (et leurs risques)
Le mot “reboot” est souvent mal compris. Il ne veut pas forcément dire “on efface tout”. Mais dans Saw, chaque option a son poison.
Option 1 : Reboot frontal (on recommence)
Avantage :
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tu repars avec un concept clair,
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tu peux recréer un mystère,
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tu n’es plus esclave de la timeline.
Inconvénient :
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tu froisses les fans qui ont suivi la saga pendant 20 ans,
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tu compares forcément au film original,
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tu risques de faire un “Saw générique” qui ne justifie pas son existence.
Et surtout : si tu refais Saw sans l’élégance du premier, tu te tires une balle dans le pied.
Option 2 : Soft reboot (on garde l’ADN, on change l’entrée)
C’est la solution la plus probable, parce que c’est celle qu’Hollywood adore : tu conserves la marque, quelques éléments iconiques, et tu invites les nouveaux à monter sans devoir tout rattraper.
Mais Saw a déjà tenté des entrées latérales. Et le plus grand avertissement s’appelle Spiral.
Spiral : l’exemple du faux “retour à” qui tourne à vide
Spiral voulait revenir à une ambiance thriller “post-Se7en”, plus policier, plus sérieuse… et c’est devenu la contreperformance de la saga au box-office. Le souci n’était pas forcément l’idée de départ, mais le sentiment d’un film qui emprunte une esthétique “prestige” sans retrouver le sel tordu de Saw : cette sensation de puzzle moral, de piège narratif, de malaise frontal.
Donc oui, Wan peut faire du neuf, mais s’il fait du neuf en oubliant l’identité, il recrée un Spiral-like : un film “correct” qui ne déclenche pas la fièvre.
Option 3 : Continuer la timeline… mais arrêter de la torturer
C’est le compromis : on admet que l’héritage de Jigsaw existe, mais on cesse de bricoler des “angles morts” de sa mort comme si c’était une ressource infinie.
Ça voudrait dire :
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arrêter la surenchère de disciples surprises,
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recentrer sur une idée forte,
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et accepter une vraie évolution du mythe.
C’est plus risqué créativement… mais c’est probablement ce dont la franchise a besoin : un nouveau centre de gravité.
Le vrai défi de Wan : faire du “Saw” sans refaire du “Saw”
C’est là que ça devient passionnant. Parce que Wan est précisément le type de cinéaste-producteur qui peut comprendre cette nuance.
Ce que Wan sait faire (et qui pourrait sauver la franchise)
Wan sait :
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créer des dispositifs simples mais efficaces,
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construire une tension claire,
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piloter une mythologie sans la noyer,
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vendre une ambiance,
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et surtout : diriger le regard du public.
Et Saw, à la base, c’est une expérience de regard. Tu crois regarder une histoire. En réalité, tu es déjà coincé dans une structure.
S’il revient, ce n’est pas forcément pour inventer “le piège le plus gore”. Ce serait même la moins bonne idée. S’il revient intelligemment, ce sera pour remettre Saw sur son terrain original : le thriller à mécanique, plus que l’attraction de fête foraine.
Le piège à éviter : la nostalgie comme anesthésiant
Le public adore les “retours”. Mais une franchise qui se contente de “refaire comme avant” devient un musée.
Et Saw est particulièrement exposé à ça, parce que son iconographie est hyper recyclable (Billy, les messages, les pièces, les masques, les codes). Tu peux faire du fan-service à l’infini… sans jamais retrouver l’étincelle du premier film.
Donc la vraie question, derrière la phrase “respecter les fans”, c’est :
Est-ce que Wan respecte les fans en leur donnant ce qu’ils reconnaissent…
ou en leur redonnant ce qu’ils ont ressenti la première fois ?
Ce n’est pas pareil. Et c’est là que tout se joue.
Et Tobin Bell, dans tout ça ?
Difficile de parler de Saw sans parler de Tobin Bell. La saga a littéralement tricoté autour de sa présence, parfois avec une énergie admirable, parfois avec un côté “bon, on va encore trouver un moyen”.
Si Wan veut du neuf, il va forcément devoir gérer ce point sensible :
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continuer à faire exister Jigsaw (en flashbacks, en héritage),
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ou accepter que la franchise doit survivre sans lui autrement qu’en contournant sa mort.
C’est une décision narrative, mais aussi symbolique : tant que Jigsaw est au centre, la saga reste collée à son origine. Pour redémarrer vraiment, il faut un nouveau moteur… et un moteur qui ne soit pas juste “un autre Jigsaw”.
Ce que cette annonce raconte, au fond : Saw est à un carrefour
Il y a quelque chose d’assez ironique et presque beau : une franchise construite sur des pièges se retrouve piégée par ses propres habitudes. Et le type qui revient, ce n’est pas un exécutant, c’est celui qui a lancé le mouvement — mais avec vingt ans de pouvoir en plus.
Donc oui, on peut lever un sourcil devant la prudence de sa déclaration. Oui, on peut se méfier du mot “nouveauté”. Mais c’est aussi la première fois depuis longtemps que Saw ressemble à autre chose qu’à une suite automatique.
Et maintenant, les questions sont toutes simples, mais elles mordent :
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Est-ce que Blumhouse va pousser vers un reboot propre et rentable ?
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Est-ce que Wan va oser une refonte de la mécanique plutôt qu’un simple relooking ?
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Est-ce que la saga peut retrouver une identité forte sans se cacher derrière Jigsaw ?
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Et surtout : est-ce qu’on veut encore des “angles morts” de sa mort… ou un vrai nouveau cauchemar ?
Si tu veux, je te fais aussi une version encore plus “critique pop-culture” (avec lecture industrielle Blumhouse, état du cinéma d’horreur de franchise, et ce que “réinventer Saw” pourrait signifier en 2026), toujours dans ton ton, toujours sans conclusion.

