Il y a des James Bond qu’on cite comme des évidences, et puis il y a ceux qu’on traîne un peu au tribunal populaire : “trop kitsch”, “trop violent”, “trop bizarre”, “pas assez culte”. Et pourtant, avec un peu de recul (et une vraie envie de les revoir sans préjugés), certains de ces mal-aimés deviennent… étonnamment savoureux. Parce qu’ils montrent la saga en train de tenter des choses, de se transformer, parfois de déraper — mais rarement de s’ennuyer.
Voici 5 épisodes qu’on a trop souvent enterrés trop vite, dans le désordre, et avec une défense assumée.
Spectre : imparfait sur le fond, mais “premium” sur la forme
On peut comprendre les reproches : après Skyfall, l’attente était démesurée, et Spectre a été accusé de forcer ses liens avec le passé, de sous-exploiter Blofeld, et de connaître un ventre mou.
Mais en revisionnage, il se passe un truc : le film se regarde très, très bien. L’ouverture est une démonstration de mise en scène, la photographie a une classe folle, et l’action est filmée de façon physique, lisible, avec un vrai sens du danger (Hinx, joué par Dave Bautista, apporte enfin un ennemi “concret”, brutal, qui fait mal).
Spectre n’est pas le plus aimé, mais il a cette élégance rare : celle d’un blockbuster qui sait cadrer, respirer, et construire une atmosphère.
Le Monde ne suffit pas : bancal, oui… mais Elektra vaut le détour à elle seule
Ce film a pris des coups pour des raisons assez évidentes : quelques choix de ton discutables, un côté “Bond attraction” par moments, et des éléments devenus faciles à moquer.
Sauf qu’il cache un vrai trésor noir : Elektra King. Une antagoniste féminine majeure, rare dans la saga, jouée par Sophie Marceau avec une ambiguïté vénéneuse. Et surtout, une relation avec Bond qui ose aller vers quelque chose de plus sombre que d’habitude.
Il y a une scène qui résume tout : Bond abat Elektra froidement. Pas dans une explosion héroïque, pas en clin d’œil. Froidement. Et ce moment-là, chez Brosnan, a un goût amer qui surprend… donc qui marque.
Demain ne meurt jamais : le Brosnan le plus actuel (et probablement le plus solide)
Coincé entre GoldenEye et les épisodes plus controversés, il a longtemps eu l’étiquette du “moyen”. Injuste, franchement.
Parce que son méchant est l’un des plus pertinents de l’ère moderne : un magnat des médias capable de fabriquer une guerre à coups d’images, de narration, de manipulation. Pas besoin de repaire volcan : il a l’info, donc il a le pouvoir.
Ajoute à ça Michelle Yeoh, qui n’est pas un accessoire mais une vraie partenaire d’action, et tu obtiens un Bond extrêmement efficace, dynamique, et qui a même gagné en pertinence avec le temps.
Permis de tuer : le Bond “vengeance” qui était juste en avance
On l’a jugé “trop violent”, “trop années 80”, “pas assez Bond”. Et c’est précisément pour ça qu’il est intéressant aujourd’hui.
Permis de tuer tente quelque chose que la saga n’assumera pleinement que plus tard : un Bond abîmé, une histoire plus rugueuse, une violence plus sèche, moins cartoon. Ici, la vengeance n’a pas le goût du glamour. Elle a le goût du coût émotionnel.
Avec le recul, il ressemble à une répétition générale de l’ère Craig : moins de clin d’œil, plus de nerf. Et ça lui donne une intensité que beaucoup n’avaient pas envie de voir à l’époque.
Moonraker : oui, c’est absurde… mais c’est aussi un délire assumé (et une capsule temporelle)
Le Bond dans l’espace. On peut s’arrêter là. Moonraker a longtemps été le symbole du “Bond qui va trop loin”, celui qui franchit la frontière entre spectacle et n’importe quoi.
Mais si tu le regardes comme une capsule de son époque — celle où la pop culture voulait de la science-fiction partout — il devient un film complètement décomplexé, parfois involontairement hilarant, mais aussi généreux dans son ambition.
C’est un épisode qui ne sait pas se retenir. Et dans une franchise souvent obsédée par son image, cette absence de retenue a un charme étrange : celui d’un Bond qui ose le grand n’importe quoi… sans faire semblant que c’est autre chose.
Pourquoi ces 5 mal-aimés méritent une seconde chance
Parce qu’ils montrent la saga en mouvement. Parce qu’ils ont des idées qu’on a moquées trop vite. Parce qu’ils annoncent parfois l’avenir. Parce qu’ils osent des virages qu’un “Bond parfait” n’oserait jamais.
Et surtout : parce qu’un Bond imparfait, parfois, c’est un Bond qui a quelque chose à raconter.

