Plongée au cœur des vignes bourguignonnes, cette fresque familiale se savoure comme un grand cru : bouquet complexe, longueur en bouche, et un arrière-goût mémorable. Le film tisse avec délicatesse les liens du sang et de la terre, ancrant son récit dans un terroir où fermentent les émotions. À travers le retour de l’aîné sur le domaine, on suit une fratrie contrainte de réapprendre à vivre et travailler ensemble, entre deuil et incertitudes. Une histoire de transmission où chaque saison de la vigne reflète une étape de l’existence.
L’univers viticole de Ce qui nous lie
La Bourgogne, personnage à part entière
Plus qu’un décor, la Bourgogne agit comme un protagoniste. La mise en scène magnifie la Côte de Beaune et ses lumières saisonnières : du vert de printemps aux ors de l’automne. Le domaine familial pulse au rythme du récit, et l’on ressent presque physiquement l’attachement viscéral des personnages à cette terre, aussi sublime que lourde à porter.
Le calendrier de la vigne, miroir des vies
La narration épouse un cycle annuel, scandé par les gestes du vignoble qui résonnent avec les bouleversements intimes :
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Vendanges : effort collectif et esprit de communauté ;
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Vinification : transformations délicates, écho aux métamorphoses intérieures ;
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Taille d’hiver : repos, deuil, préparation ;
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Débourrement : renouveau et promesse de départs.
Cette temporalité circulaire confère au film une portée universelle.
Un réalisme précis
Le métier est montré sans fard : aléas climatiques, arbitrages techniques, tension financière, fatigue. Le jargon affleure sans exclure, ancrant le drame dans un réel très concret.
Retrouvailles et fardeau de l’héritage
Poids des non-dits
L’indivision sur le domaine force la fratrie à décider ensemble, révélant silences, rancœurs et malentendus hérités d’un père autoritaire et de trajectoires opposées. L’héritage dépasse la terre : il charrie une histoire familiale pesante.
Trois trajectoires qui se croisent
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L’aîné : parti loin, rattrapé par ses devoirs ;
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La sœur : restée au chevet du père et du domaine, en quête de reconnaissance et d’émancipation ;
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Le benjamin : moteur de changements, parfois en rupture avec les traditions.
Leurs échanges mêlent tendresse maladroite et conflits francs.
Le père, présence fantôme
Absent ou diminué, il n’en demeure pas moins central : chaque choix se fait sous son ombre. Entre fidélité et affranchissement, chacun cherche sa propre voie.
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Ce qui nous lie9,99 €
Un trio d’acteurs juste et complice
Une alchimie qui crève l’écran
Regards, silences et gestes sonnent vrai : on croit à l’histoire commune, aux chamailleries et à l’amour discret.
Des nuances maîtrisées
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L’aîné : culpabilité vs désir de liberté ;
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La sœur : force tranquille qui s’affirme ;
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Le cadet : énergie, passion, volonté d’innover.
Des seconds rôles solides enrichissent le tableau (régisseur, voisins, partenaires).
Tradition & modernité : chercher l’équilibre
Respect du geste
Transmission des savoir-faire, importance du terroir, scènes de dégustation précises : la tradition sert de socle.
Désir d’innover
Pratiques plus contemporaines (bio/biodynamie, stratégies commerciales), tensions générationnelles : préserver l’identité tout en s’adaptant.
Des enjeux très actuels
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Prix des terres et pression foncière ;
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Gel, grêle et caprices du climat ;
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Mondialisation des goûts ;
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Transmission et fiscalité.
Les points forts… et les bémols
Ce qui marque : écriture soignée, rythme calé sur les saisons, authenticité du monde viticole, arc de la sœur bouleversant, image lumineuse.
Ce qui fléchit : quelques longueurs en seconde moitié, des digressions (vie à l’étranger) moins intenses que le cœur bourguignon.
Résonance émotionnelle et culturelle
Ode aux racines
Au-delà du vin, le film médite sur ce qui nous fonde : terre, famille, lieu d’origine. Les dilemmes « partir/rester », « vendre/garder » parlent à tous.
La transmission comme fil rouge
Transmettre une propriété, un savoir, une passion : un sens du temps long, humaniste et optimiste.
Une émotion pudique, durable
Jamais larmoyant, le film émeut par les situations et les silences. Il laisse une empreinte chaleureuse, celle d’un récit généreux, profondément humain — au goût ample et réconfortant d’un grand Bourgogne.