Disparue à 87 ans, Claudia Cardinale laisse une filmographie éblouissante où se mêlent grâce, intensité et modernité. Icône du cinéma européen des années 1960–1970, elle a tourné avec les plus grands (Visconti, Fellini, Leone, Edwards, Herzog…) et imposé un mélange rare de force et de douceur. Retour sur dix rôles qui ont façonné la légende.
1) Angelica Sedara – Le Guépard (1963), Luchino Visconti
Peut-être son rôle le plus emblématique : la jeune Angelica, fille d’ascension sociale, embrase la Sicile du Risorgimento. Cardinale y irradie, notamment dans la scène du bal, sommet de grâce et de mélancolie aux côtés de Burt Lancaster et Alain Delon.
2) Claudia – Huit et demi (1963), Federico Fellini
Muse lumineuse dans le labyrinthe mental d’un cinéaste en panne d’inspiration (Marcello Mastroianni), elle incarne l’idée même d’une féminité salvatrice. Présence brève mais essentielle, d’une pureté presque métaphysique.
3) Jill McBain – Il était une fois dans l’Ouest (1968), Sergio Leone
Premier grand personnage féminin de l’univers de Leone : une veuve qui devient maîtresse de son destin au Far West. Cardinale compose une héroïne complexe, sensuelle et volontaire, face à Charles Bronson et Henry Fonda.
4) Aida – La Fille à la valise (1961), Valerio Zurlini
Jeune femme cabossée prise dans une relation ambivalente avec un adolescent, elle livre un portrait bouleversant de fragilité et de dignité. Un mélodrame délicat, où sa vérité d’actrice éclate à chaque plan.
5) Barbara Pugliese – Il bell’Antonio (1960), Mauro Bolognini
Face à Marcello Mastroianni, elle incarne l’épouse d’un homme prisonnier de son image virile. Cardinale y conjugue retenue et intensité, révélant déjà une élégance dramatique peu commune.
6) Princess Dala – La Panthère rose (1963), Blake Edwards
Échappée glamour à Hollywood : princesse mystérieuse au cœur d’une comédie policière culte, elle affronte avec aisance le burlesque de Peter Sellers. Chic, malice et sens du tempo.
7) María – The Professionals (1966), Richard Brooks
Dans ce western d’aventure aux allures de mission impossible, elle campe une femme bien moins « victime » qu’il n’y paraît, pivot du récit et révélateur moral d’un quatuor masculin (Lancaster, Marvin, Ryan, Strode).
8) Rosa Nicolosi – Il giorno della civetta (1968), Damiano Damiani
Drame mafieux au réalisme âpre. Cardinale incarne la douleur et la combativité d’une femme au cœur d’une affaire criminelle. Un rôle terrien, sans fard, d’une grande puissance.
9) Molly – Fitzcarraldo (1982), Werner Herzog
Épopée fiévreuse dans l’Amazonie : aux côtés de Klaus Kinski, elle apporte l’ancrage humain et tendre du film. Une apparition discrète mais mémorable, qui contrebalance la folie grandiose de l’entreprise.
10) Araxi – Mayrig (1991), Henri Verneuil
Magnifique portrait de mère arménienne exilée à Marseille, entre dignité, douceur et force silencieuse. Cardinale signe l’un de ses plus beaux rôles tardifs, traversé par la mémoire et la transmission.
Pourquoi elle compte encore
Claudia Cardinale aura fait basculer l’« ingénue » vers des figures féminines souveraines, sensuelles et résolues. Sa filmographie raconte une Europe du cinéma à son sommet, mais aussi une actrice qui n’a cessé de conjuguer modernité et mythe. Dix rôles, et autant de preuves qu’une véritable star est d’abord une grande comédienne.